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formait pas un vœu, pas une pensée contre Galba. Même il avait envoyé son fils Titus, comme nous le dirons dans la suite, pour lui porter ses hommages et faire partie de sa cour. Qu’une loi secrète du destin, révélée par des prodiges et des oracles, eût destiné l’empire à Vespasien et à ses enfants, nous l’avons cru après son élévation.

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Quant à l’Égypte, des chevaliers romains commandent depuis Auguste les troupes chargées de la garder, et y tiennent lieu de rois. La politique a jugé qu’une province d’un accès difficile, l’un des greniers de Rome, entretenue par la superstition et la licence des mœurs dans l’amour de la discorde et des révolutions, étrangère aux lois, ignorant ce que c’est que magistrats, devait rester sous la main du prince. Elle avait alors pour gouverneur un homme né dans son sein, Tibérius Alexander. L’Afrique et ses légions venaient de voir périr Clodius Macer. Après avoir fait l’essai d’un maître subalterne, elles s’en tenaient au chef que reconnaîtrait l’empire. Les deux Mauritanies, la Rhétie, la Norique, la Thrace, toutes les provinces régies par des procurateurs, partageaient les sentiments de l’armée la plus voisine, amies ou ennemies, suivant l’impulsion qu’elles recevaient d’une force au-dessus d’elles. Les pays sans défense, et l’Italie plus qu’aucun autre, à la merci du premier occupant, devaient être le prix de la victoire. Voilà où en étaient les affaires de l’empire quand Servius Galba, consul pour la seconde fois, et Titus Vinius ouvrirent l’année, qui fut la dernière pour eux, et pensa l’être pour la république.

Révolte des légions de Germanie

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Peu de temps après les kalendes de janvier, le procurateur Pompéius Propinquus annonça de Belgique que les légions de la Haute-Germanie, trahissant la foi du serment, demandaient un autre empereur, et toutefois, afin de pallier leur sédition, laissaient au sénat et au peuple la faculté de l’élire. Cette nouvelle hâta l’accomplissement d un dessein que dès auparavant Galba méditait en lui-même et agitait avec ses amis, celui de se donner un fils adoptif. Il n’était même rien, depuis plusieurs mois, dont on parlât davantage dans toute la ville, grâce à la licence de l’opinion, avide de ces sortes d’entretiens, et aux années dont le faix pesait sur Galba. Peu de conjectures étaient dictées par la justice ou l’amour du bien public, beaucoup par de secrètes espérances. Chacun, dans ses prédictions intéressées, désignait ou son ami ou son patron ; des noms même furent prononcés en haine de Vinius,