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les revers à sa mauvaise conduite et les succès à la fortune de l’empire.

Néron envoya l’affranchi Polyclète pour reconnaître l’état de la Bretagne : il avait un grand espoir que son ascendant rétablirait la concorde entre le général et le procurateur, et que même il ramènerait à la paix les esprits rebelles des barbares. Polyclète ne manqua pas d e traîner au delà de l’Océan ce cortège immense dont il avait foulé l’Italie et la Gaule, et de marcher redoutable à nos soldats eux-mêmes : mais il fut la risée des Bretons ; la liberté vivait encore dans leurs âmes, et ils ne connaissaient pas alors cette puissance des affranchis. Leur étonnement était grand de voir le général et l’armée qui venaient d’achever une guerre si terrible obéir à des esclaves. Au reste, l’état des choses fut présenté à Néron sous un jour favorable, et Suétonius laissé à la tête des affaires. Depuis, ayant perdu sur le rivage quelques navires avec leurs rameurs, il reçut ordre, comme si la guerre eût encore duré, de remettre l’armée à Pétronius Turpilianus, déjà sorti du consulat. Celui-ci, sans provoquer l’ennemi ni en être inquiété, décora du nom de paix sa molle inaction.

A Rome

Deux crimes

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La même année, deux crimes fameux signalèrent à Rome l’audace d’un sénateur et celle d’un esclave. Il y avait un ancien préteur, nommé Domitius Balbus, riche, sans enfants, et qu’une longue vieillesse livrait aux pièges de la cupidité. Un de ses parents, Valérius Fabianus, destiné à la carrière des honneurs, lui supposa un testament, de concert avec Vinicius Rufinus et Térentius Lentinus, chevaliers romains. Ceux-ci mirent dans le complot Antonius Primus13 et Asinius Marcellus, le premier d’une audace à tout entreprendre, le second brillant du lustre de son bisaïeul Asinius Pollio, et jusqu’alors estimé pour ses mœurs, si ce n’est qu’il regardait la pauvreté comme le dernier des maux. Fabianus fit sceller l’acte faux par ceux que je viens de dire et par d’autres d’un rang moins élevé, et il en fut convaincu devant le sénat. Lui et Antonius furent condamnés, avec Rufinus et Térentius, aux peines de la loi Cornélia14. Quant à Marcellus, la mémoire de ses ancêtres et les prières de César le sauvèrent du châtiment plutôt que de l’infamie.

13. C’est ce même Antonius qui joue un si grand rôle dans la guerre entre Vitellius et Vespasien.
14. Exil, déportation dans une île, ou exclusion du sénat.

Condamnation

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