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combattants, sur des vaisseaux pontés, occupaient le reste du lac. Les rivages, les collines, le penchant des montagnes, formaient un vaste amphithéâtre, où se pressait une foule immense, accourue des villes voisines et de Rome même, par curiosité ou pour plaire à César. Claude, revêtu d’un habit de guerre magnifique, et non loin de lui Agrippine, portant aussi une chlamyde tissue d’or, présidèrent au spectacle. Le combat, quoique entre des criminels, fut digne des plus braves soldats. Après beaucoup de sang répandu, on les dispensa de s’entr’égorger.

22. Aujourd’hui le lac de Célano, dans l’Abruzze ultérieure. : 23. Le Garigliano.

Le spectacle achevé, on ouvrit passage aux eaux, et alors parut à découvert l’imperfection de l’ouvrage : le canal destiné à la décharge du lac ne descendait pas à la moitié de sa profondeur. On prit du temps pour creuser davantage ; et, afin d’attirer de nouveau la multitude, on donna un combat de gladiateurs sur des ponts construits à ce dessein. Un repas fut même servi près du lieu où le lac devait se verser dans le canal, et devint l’occasion d’une terrible épouvante. Cette masse d’eau violemment élancée entraîna tout sur son passage, et ce qu’elle n’atteignit pas fut ébranlé par la secousse ou effrayé par le fracas et le bruit. Agrippine, profitant de la terreur du prince pour l’animer contre Narcisse, directeur de ces travaux, l’accusa de cupidité et de vol. Narcisse ne manqua pas d’accuser à son tour le caractère impérieux de cette femme et son ambition démesurée.

An 53

Mariage de Néron et d’Octavie

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Sous les consuls D. Junius et Q. Hatérius, Néron, âgé de seize ans, reçut en mariage Octavie, fille de Claude. Afin d’illustrer sa jeunesse par un emploi honorable du talent et par les succès de l’éloquence, on le chargea de la cause d’Ilium. Après avoir rappelé dans un brillant discours l’origine troyenne des Romains, Énée, père des Jules, et d’autres traditions qui touchent de près à la fable, il obtint que les habitants d’Ilium fussent exemptés de toutes charges publiques. A la demande du même orateur, la colonie de Bologne, ruinée par un incendie, reçut un secours de dix millions de sesterces ; la liberté fut rendue aux Rhodiens24, qui l’avaient souvent perdue ou recouvrée, selon qu’ils nous avaient servis dans nos guerres ou offensés par leurs séditions ; enfin le tribut fut remis pour cinq ans à la ville d’Apamée, renversée par un tremblement de terre.

24. Les Rhodiens avaient perdu la liberté neuf ans auparavant, pour avoir mis en croix des citoyens romains.

Convoitise d’Agrippine

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