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tain Prevost des Mareschaux, aussi hardy de la langue ; comme des doigts, qui c’estoit constitué demandeur en reglement contre un quidam Bailly, assez cogneu pour sa loquence ; Lequel remonstrant au Parquet de Messieurs les Gens du Roy, disoit le Bailly, qu’il commenceroit par trois cas, où il attaquoit la personne dudit Prevost. Et apres, s’estant si fort expatié brouillisiquement, qu’il ne sçavoit plus où il estoit, son adverse partie va ainsi interrompre disant ; Messieurs, ce bon homme icy ne vous fait que rompre la teste. Et comme il a commencé par trois KKK, car nottez qu’il vouloit equivoquer sur cas, pour K, je commenceray par trois LLL. Car je maintiens qu’il est Langard, qu’il est Lourdaut, qu’il est Larron, &c. Donc Messieurs se prindrent si bien à rire, que cela donna cœur à ce Prevost des Mareschaux de continuer & obtenir ses fins & conclusions. Ainsi Audaces fortuna juvat. Voyez sur cela la Loy. Carere debet omni vitio, §. nescio quo, tit nescio ubi.

À propos le grand Roy François, curieux de tout scavoir & entendre, oüit un jour dire qu’il y avoit un certain Secretaire en sa Chancellerie qui se nommoit Gaillard lequel estoit fort gaillard pour dire le mot ; de maniere qu’il estoit bien receu en toutes compagnies joyeuses. Le Roy donc le voulut voir : & comme il se presenta audit Seigneur qui estoit assis sur un long banc pres d’une cheminée à raison qu’il faisoit lors froid, le Roy luy demande en tels termes : Qui es-tu ? Sire, respondit-il, on ma fait commandement de me presenter devant vostre Majefté. Comme t’appelle tu ! (dit le Roy ?) Sire, dit-il, je me nomme Gaillard. Ho, ho, je suis joyeux de te cognoistre, replique le Roy : car tu fais parler de toy, pour estre gaillard en tout & par tout, mesme à l’en-