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Suivy de l’œil, se perd dedans la nuë champestres
Adoncques le Piqueurs qui, ja docte ne veut
De son brave cheval tirer tout ce qu’il peut,
Arreste sa fureur d’une docte baguette.
Luy enseigne au parer une triple courbette,
Le louë d’un accent artistement humain,
Luy passe sur le col sa flateresse main,
Le tient juste & coy, luy fait reprendre haleine,
Et par la mesme piste à lent pas le rameine.
Mais l’eschauffé destrier s’embride fierement,
Fait sauter les cailloux, d’un clair hannisement
Demande le combat : pennade, ronfle, brave :
Blanchit tout le chemin de la fumante bave :
Use son frein luysant, superbement joyeux,
Touche des pieds au ventre, allume ses deux yeux  :
Ne va que de coste, se quarre, se tourmente,
Herisse de son col la perruque tremblante :
Et tant de spectateurs qui sont aux deux costez,
L’un sur l’autre tombans, font largue à ses fiertez
Lors Cain l’amadouë, & cousu dans la selle
Recherche, ambitieux, quelque façon nouvelle
Pour se faire admirer. Or il le meine en rond,
Tantost à reculons, tantost de bond en bond :
La fait balser, nager luy monstre la jambette,
Le gaye capriole, & la juste courbette.
Il semble que tous deux n’ont qu’un corps & qu’un sens.
Tout se fait avec ordre, avec grace, avec temps :
L’un se fait adorer pour son rare artifice,
Et l’autre acquiert, bien-né, par un long exercice
Leger’té sur l’arrest, au pas agilité,
Gaillardise au galop, au maniement surté,
Appuy doux a la bouche, au saut forces nouvelles,
Asseurance à la teste, à la course des ailes.