Page:Tabourot - Les Bigarrures et Touches du seigneur des Accords - 1640.djvu/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cain d’un bras flateur ce beau Jenet caresse,
Luy saute, sur le dos d’une gaillarde adresse :
Se tient coy, juste & ferme, ayant le nez tourné
Vers le toupet du front. Le Cheval forceně
De se voir fait esclave, & flechir sous la charge,
Se cabre, saüte, ruë, & ne trouve assez large
La campagne d’Henoc : bref rend ce Pelotron
Semblable au jouvenceau, qui, sans art & patron
Tente l’ire du flot : le flot la nef emporte,
Et la nef le nocher qui chancelle en la sorte
Qu’une vieille Thyade : il a glacé le sein,
Et, panthois, se repent d’un tant hardy deßein.
L’Escuyer repourprant un peu sa face blesme,
R’asseure accortement & sa beste, & soy-meme
La meine ores au pas, du pas au trot, du trot
Au galop furieux : il luy donne tantôt
Un longue carriere : il rit de son audace,
Et s’estonne qu’assis tant de chemin il face.
Son pas est libre & grand, son trot semble egaler
Le Tigre en la campagne, & l’Arondelle en l’er :
Et son brave galop ne semble pas moins viste
Que le dard Biscain, ou le trait Moscovite.
Mais le fumeux canon de son gosier bruyant
Si roide ne vomit le boulet foudroyant,
Qui va d’un rang entier esclaircir un armee,
Ou perçer le rempart d’une ville sommee,
Que ce fougeux Cheval sentant lascher son frein
Et piquer ses deux flancs, par viste de la main,
Desbande tous ses nerfs, à soy-mesme il eschape,
Le cham plat, abat, destrappe, agrappe, attrappe,
Le vent qui va devant, couvert de tourbillons
Escroule sous les pieds les bluctans seillons,
Fait decroistre la plaine : & ne pouvant pluus estre