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La vertu m’inspirant par de secrètes flammes,
J’eus tous les sentiments qui font les grandes âmes,
La gloire me fut chère, et cent nobles exploits
Pour en marquer l’ardeur ne manquent point de voix ;
Heureux, si du destin la jalouse puissance
M’eut épargné d’un fils la fatale naissance.
Par là de ma vertu sa rigueur vint à bout.
Ce fils fut une idole à qui j’immolai tout ;
Mon amour dans ce fils, ou bien plutôt ma rage,
Du titre de sujet ne pût souffrir l’outrage,
Et sans l’en consulter, mon ingrate fureur
Voulut par votre perte en faire un empereur.
J’en prononçai l’arrêt, et je la crûs certaine.
Jugez par cet aveu de l’excès de ma peine.
Pour élever mon fils au rang où je vous vois,
J’ai trahi vos bien-faits, j’ai violé ma foi ;
J’ai démenti mon sang, j’ai pris le nom de traître,
J’ai porté le poignard dans le sein de mon maître,
J’ai souillé lâchement la gloire de mon sort ;
Cependant, cependant, seigneur, mon fils est mort.

PLACIDIE

Quoi, méchant ? Pour cacher une âme basse et noire,
Tu pus feindre !

HONORIUS

Ma sœur, oseriez-vous le croire,
Et pressé de douleur, ne vous fait-il pas voir,
Qu’en tout ce qu’il s’impute il suit son désespoir ?

Stilicon

Non, non, mon désespoir ne cherche point à feindre,
Ayant perdu mon fils, je n’ai plus rien à craindre.
Assez des assassins entre vos mains restez,
Vous peuvent confirmer ces dures vérités.
Pour couronner ce fils qui n’eut pu le prétendre,
Moi seul à son déçu je faisois entreprendre.
Voyant qu’au repentir Zénon avoit cédé,
Par mon ordre aussitôt Felix l’a poignardé,
Sur mon fils par mon ordre il a jeté le crime
Qui devoit cette nuit vous faire sa victime,