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Et quand il est en butte au revers le plus haut,
Me verra-t-on au trône, et lui sur l’échafaud ?
Qu’à lui sauver le jour mon malheur vous convie.
La perte de mon rang vaudra bien une vie,
La sienne vous est due, et pour la racheter
Je descends de ce trône où j’eus l’heur de monter.
Choisissez un lieu sûr, et l’y faites conduire.
Qu’il y traîne ses jours incapable de nuire,
Tandis qu’on me verra dans un destin moins doux
Pleurer d’avoir à vivre, et de vivre sans vous.

EUCHERIUS

Le ciel sera pour moi, ne craignez rien, madame.
Qui vit comme j’ai fait ne peut mourir infâme,
Et vous avez du trône entière sûreté,
Si vous n’en descendez que par ma lâcheté.

HONORIUS

N’attendez pas de lui l’aveu de mon injure.
Accusé, convaincu, c’est toujours imposture,
Pour mourir glorieux il suffit de nier.

THERMANTIE

Je n’entreprendrai point de le justifier ;
Mais, seigneur, la prison dont vous ferez sa peine,
S’il n’a point conspiré, rend l’imposture vaine,
Et s’il est criminel, un long et dur remords
Lui peut faire au lieu d’une endurer mille morts.

HONORIUS

Non, il ne mourra point, votre intérêt l’emporte.
Si son crime est bien grand, ma tendresse est plus forte,
Et ce qu’à l’amitié mon cœur aime à devoir
Ne sauroit plus laisser sa peine en mon pouvoir.
Triomphe, ingrat, triomphe en conspirant ma perte ;
Ton juge est corrompu, ta prison t’est ouverte,
Fuis, ne te montre plus ; quels que soient tes forfaits,
J’en serai puni seul à ne te voir jamais.

EUCHERIUS

Que je consente à fuir, et que j’aide à l’envie…

HONORIUS

Quoi, me veux-tu forcer de m’immoler ta vie,