Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/602

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ainsi sans pénétrer un complot détestable,
Tu me dois satisfaire innocent ou coupable ;
Je t’ai dit que je t’aime, et l’avoue à regret,
Ou rends-moi mon amour, ou rends-moi mon secret.
Affranchis-moi d’un sort dont ma gloire s’indigne.
Veux-tu te faire aimer si tu n’en es pas digne,
Et si ta passion a mérité ce prix,
Veux-tu me voir rougir de te l’avoir appris ?
Abuse moins d’un cœur dont l’orgueil qui me presse
Ne t’a pu jusqu’au bout déguiser la tendresse.
D’un si sensible outrage il est si peu d’accord…

EUCHERIUS

Et bien, pour l’expier il faut hâter ma mort,
Il faut avouer tout, il faut laisser tout croire.
Pour vous seule aussi-bien j’ai pris soin de ma gloire,
Et quand votre intérêt me défend de parler,
C’est ne la perdre pas que de vous l’immoler.

PLACIDIE

Ah, vis pour démentir ceux qui l’osent poursuivre.

EUCHERIUS

Mais mon sort est d’aimer si vous me laissez vivre,
Et je trouve en secret tous mes vœux attachez
À l’heureux attentat que vous me reprochez.
Me le souffririez-vous ?

PLACIDIE

Prouve ton innocence,
Et si mes sentiments étonnent ta constance,
Songe que c’est beaucoup qu’un cœur comme le mien
Veille, murmure, craigne, et ne résolve rien.