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Mais que peut contre moi sa noire perfidie,
Si mes soins ont touché l’illustre Placidie,
Et si je vois l’amour, jaloux de mon trépas,
Lui donner des clartés que les autres n’ont pas ?
Indigne de sa main, ma mort est nécessaire,
Mais je ne dois mourir que pour la satisfaire,
Et me punir enfin du coupable malheur
De ne rien mériter au-delà de son cœur.
Prenez de ce défaut une prompte vengeance.
Mon amour vous la doit de mon peu de naissance,
Et la mort ne sauroit offrir rien que de doux
À qui vit pour vous seule, et ne peut être à vous.
Hélas ! Si cette gloire est la seule où j’aspire,
Ne vivant que pour vous, veut-on que je conspire,
Et que ma passion ait crû vous mériter
Par le forfait honteux que l’on m’ose imputer ?
Me serois-je flatté qu’un trône eut pu vous plaire,
Teint du sang de mon maître, et de celui d’un frère,
Et que d’un lâche orgueil votre cœur combattu
Déferra tout au crime, et rien à la vertu ?
Non, non, si d’un beau sang la fierté peu flexible
Oppose à mon espoir un obstacle invincible,
Je connois trop ce sang pour avoir présumé
Qu’un criminel heureux put jamais être aimé.
Mais pourquoi me purger d’une action si noire ?
J’ai tout ce que je veux, vous ne la sauriez croire,
Et cherchant à mourir, il doit m’être assez doux
Que le sort ne me laisse innocent que pour vous.

PLACIDIE

Sois-le, si tu le peux, du forfait qu’on t’impute.
Par tout ta trahison contre moi s’exécute,
Et par un juste effet de ce que je me dois,
Coupable ou non d’ailleurs, tu l’es toujours pour moi.
Si la mort de Zénon souille ton innocence,
Tu m’as fait naître un feu qui trahit ma naissance,
Et si ce lâche crime à tort t’est imputé,
Il me coûte un aveu qui trahit ma fierté.