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Scène III


Placidie, Eucherius, Lucile.

EUCHERIUS

Quoi qu’on voit à l’envi l’imposture et l’envie
Attaquer tout ensemble et ma gloire et ma vie,
La plus âpre rigueur d’un si cruel effort
Laisse encore ma princesse arbitre de mon sort ;
Non que j’ose douter quel ordre je dois suivre,
Qui n’en peut être aimé n’est point digne de vivre,
Mais j’aurai moins de peine à renoncer au jour,
Quand je croirai par là lui prouver mon amour,
Et je ne craindrai point de voir ternir ma gloire,
Si je meurs assuré de vivre en sa mémoire.
Un prix si relevé rendra mes vœux contents,
Et c’est dans mon malheur le seul bien que j’attends.

PLACIDIE

Vous pouvez l’espérer après ce grand ouvrage
Qu’entreprenoit pour moi votre illustre courage,
Et j’aurois trop d’orgueil, s’il n’étoit adouci
Par l’horreur du forfait dont vous êtes noirci.

EUCHERIUS

Ah, madame ! Il est vrai ; je commence à connoître
Qu’innocent jusqu’ici, je cesse enfin de l’être,
Puis que vous relâchant à soupçonner ma foi,
Cette injustice en vous est un crime pour moi.
De ma triste vertu les preuves imparfaites
Vous ont abandonnée à l’erreur où vous êtes,
Et dans un cœur si grand l’erreur qui le séduit
Rend toujours criminel quiconque l’y réduit.
Un projet lâche et bas semble noircir ma gloire,
Mais enfin mon seul crime est que vous l’osez croire,
Et que dans votre cœur mes respects ni ma foi
N’ont jamais rien surpris qui vous parle pour moi.