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Se défiant des lieux où tu veux l’attirer,
Sa foi pour m’avertir n’a plus à différer,
Et lors que pour me voir à tout il se hasarde,
Dans un obscur passage un traître le poignarde.

EUCHERIUS

Prenant un rendez-vous il a su m’abuser ;
Mais de sa mort par là me doit-on accuser ?

HONORIUS

Fais croire, si tu peux, ces preuves trop grossières,
Pour voir ton crime, hélas ! J’ai bien d’autres lumières.
Zénon à me parler voit le péril trop grand,
Il hasarde un billet qu’en secret on me rend ;
L’impératrice en vain de se taire est capable,
De peur qu’elle ne l’ouvre il cache le coupable,
Et ne l’auroit pas tu, s’il n’eût craint qu’en effet
La sœur n’aidât du frère à couvrir le forfait.
D’ailleurs, lors que j’élève un si rare service,
Tu me le fais soudain soupçonner d’artifice.
Si j’accuse un ingrat qui viole sa foi,
Tu prévois qu’il s’apprête à parler contre toi.
Tant de précaution marque une indigne ruse.
Qui se trouve innocent ne craint point qu’on l’accuse,
Et ce qui te convainc, tu te vois dédaigner
Si tu ne mets ma sœur en état de régner ;
Mes jours sacrifiez flattent ton espérance,
Sans haïr ta personne elle hait ta naissance,
Et ma mort t’assurant le pouvoir souverain,
Il faut percer mon cœur pour mériter sa main.
Tu t’y résous enfin, et l’ardeur qui t’entraîne…

Stilicon

Ô crime, dont l’horreur ne se conçoit qu’à peine !
M’en as-tu vu capable, et honteux d’obéir,
As-tu reçu de moi l’exemple de trahir ?
Quand le lâche Rufin arma contre son maître,
M’éprouva-t-on trop lent à prévenir ce traître,
Et d’un peuple depuis enclin aux remuements,
Quel autre a mieux que moi calmé les mouvements ?