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Hélas ! Où m’emportoit une indigne tendresse !
J’ai mérité l’arrêt dont ma douleur vous presse ;
Mais cette triste mort dont j’attends le secours,
Sans une autre victime assure mal vos jours.
En vain sur moi d’abord la nature incertaine
De l’attentat d’un fils vouloit jeter la peine,
Et me persuader, pour lui servir d’appui,
Qu’il s’expieroit assez si je mourois pour lui.
Je dois mourir sans doute, et d’un forfait si lâche
Il faut que tout mon sang efface enfin la tache ;
Mais ce fils trop perfide, et toutefois trop cher,
À sa peine par là ne se peut arracher.
Qu’il périsse l’ingrat, dont la rage secrète
Par votre seule mort se peut voir satisfaite.
Voila, voila, seigneur, où l’amour l’a réduit,
De ses vœux sans un trône il attend peu de fruit.
La princesse obstinée à dédaigner sa flamme
N’abaisse qu’à ce prix la fierté de son âme,
Et le lâche, aux transports d’un criminel espoir,
A laissé contre vous séduire son devoir.

EUCHERIUS

Et mon père lui-même aide au sort qui m’accable ?

HONORIUS

Pour te faire innocent nomme donc un coupable,
Mes soupçons dessus toi s’attachent à regret ;
Mais qui peut de Zénon avoir su le secret ?

EUCHERIUS

Tantôt en lui parlant, seigneur, de l’entreprise,
J’ai vu sur son visage une étrange surprise,
Et comme cent témoins la pouvoient observer,
Quelqu’un en le perdant aura crû se sauver.
Souvent à prévenir la défiance engage.

HONORIUS

Ah, si de ta fureur sa mort n’étoit l’ouvrage,
C’est vers ce rendez-vous l’un à l’autre donné
Qu’une barbare main l’auroit assassiné.
Dans le bois du jardin loin de t’aller attendre,
Ici seul en secret il cherchoit à se rendre.