Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/583

Cette page n’a pas encore été corrigée

En lui prenant la main je me la sens presser,
Un reste de vigueur semble se ramasser,
Je l’entends qui soupire.

Stilicon

Ô succès favorable !
Il a parlé sans doute, et nommé le coupable ?

MUTIAN

Il l’a voulu du moins, mais l’effort qu’il y fait
Hâte sa destinée, et trompe mon souhait ;
Il expire.

Stilicon

Et du crime on n’a rien pu connoître ?

MUTIAN

Beaucoup l’environnoient lors qu’on m’a vu paroître,
Je m’en informe à tous, mais tous le croyant mort,
Sans en avoir rien su, plaignoient son triste sort.

HONORIUS

Le mien est plus à plaindre, et dans cette disgrâce
Les funestes soupçons où mon cœur s’embarrasse
Avec tant d’horreur en confondent l’espoir,
Qu’il n’ose examiner ce qu’il craint de savoir.
Eucherius a su l’avis que l’on me donne.
Zénon qu’il va trouver ne lui nomme personne,
Il ne l’arrête point, et lors qu’il est mandé,
Ce malheureux Zénon se trouve poignardé !
Hélas ! Comme à le voir c’est toi seul que j’emploie,
Lui mort, Eucherius, que faut-il que je croie ?
As-tu juré ma perte, et son sang répandu
Te rend-il ton secret quand le mien est perdu ?

EUCHERIUS

Me soupçonner, seigneur, moi ?

HONORIUS

Que puis-je donc faire ?
Si je veux t’excuser, je condamne ton père,
Et le fatal soupçon qui m’accable aujourd’hui
Ne s’éloigne de toi que pour tomber sur lui.
Du crime dont Zénon m’a donné connoissance
Seuls vous avez reçu tous deux la confidence,