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Persistez à mes vœux d’être toujours contraire,
J’ai mérité la mort quand je n’ai su vous plaire,
Et je dois croire égal d’en recevoir les coups,
Ou d’un hymen funeste, ou de votre courroux.

PLACIDIE

J’y pourrois consentir sans qu’on vous crut à plaindre.
Qui peut le conseiller n’a pas lieu de le craindre,
Et s’offre à voir d’un œil pleinement satisfait
Le succès d’un accord dont il presse l’effet.

EUCHERIUS

Dites que votre haine enfin trop endurcie
Par l’excès d’un beau feu ne peut être adoucie,
Et que son injustice aime à se déguiser
Ce qu’aujourd’hui pour vous le mien m’a fait oser.
J’espérois que par là nous la verrions s’éteindre,
Que n’ayant pu m’aimer vous daigneriez me plaindre,
Et que pour vous servir prêt à quitter le jour,
La pitié m’obtiendroit ce que n’a pu l’amour ;
Mais comme les mépris dont ma flamme est suivie
À d’éternels malheurs avoient livré ma vie,
Ce que sur mes désirs ma vertu fait d’effort,
Ne vaut pas qu’un soupir soit le prix de ma mort.

PLACIDIE

Sur quelle étrange erreur cette plainte est formée !
À cause qu’on me cède on croit m’avoir aimée,
Et toute mon estime est le moins que je dois
À l’indigne attentat qu’on veut faire sur moi ?

EUCHERIUS

Quoi, vous croyez assez l’aigreur qui vous anime,
Pour traiter d’attentat un conseil magnanime,
Et m’attacher à vous sans me considérer,
C’est démentir l’ardeur que j’ai su vous jurer ?
Non qu’en un rang égal j’eusse pu me résoudre
D’attirer sur mon feu ce dernier coup de foudre ;
Mais je suis sans murmure un ordre si fatal
Quand je vous cède au trône, et non à mon rival.
Je l’avouerai pourtant ; à quoi que je m’apprête,
Le déplaisir affreux de vous voir sa conquête