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Et qu’un pareil refus balançant son destin,
Lui pouvoit à l’empire ouvrir quelque chemin.
L’empereur Gratian pour une moindre cause
Daigna le partager avec Theodose,
Et ce fameux exemple eut pu seul aujourd’hui
Forcer Honorius à faire autant pour lui.
Les soins qu’eut Stilicon d’élever son enfance
Méritoient pour son fils cette reconnoissance,
Et ce n’est qu’à ce prix qu’osant me déclarer
J’eusse promis l’aveu qu’on lui fait espérer ;
Mais quand pour Alaric j’apprends qu’il s’intéresse,
Mon cœur ne sauroit trop condamner ma bassesse,
Et mon orgueil honteux qu’on ait pu l’abuser…

LUCILE

Écoutez-le, madame, avant que l’accuser ;
Le voici qui paroît.


Scène II


Placidie, Eucherius, Lucile.

PLACIDIE

j’apprends avec surprise
Que l’espoir d’Alaric par vous se favorise ;
Mais de mes sentiments c’est assez mal juger
D’avoir crû que ce zèle eut de quoi m’obliger.
Dans le rang que je tiens j’ai l’âme un peu trop vaine
Pour vouloir vous devoir la qualité de reine,
Et forcer mon courage au lâche abaissement
D’écouter vos conseils sur le choix d’un amant.

EUCHERIUS

C’est donc ce qui manquoit à ma disgrâce extrême
Que quand ce triste cœur s’immole à ce que j’aime,
Cet effort que ma flamme en vain a combattu
N’eut que le faux éclat d’une lâche vertu ?