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MUTIAN

Qu’a-t-il pu pour ce fils qu’il n’ait pas daigné faire ?
Son rang de ce qu’il est d’un seul degré diffère,
Encore un pas peut-être, et le trône est au bout.

Stilicon

Un degré l’en sépare ; et ce degré c’est tout.
La grandeur la plus vaste est toujours imparfaite
Quand d’un plus haut empire elle se voit sujette,
Et ce qu’à commander elle donne de droits
Ne vaut pas la douleur d’obéir une fois.
Cependant si tu veux blâmer mon injustice,
Songe qu’Honorius lui-même en est complice,
Et que par la rigueur d’un destin peu commun,
Je ne deviens ingrat que pour en punir un.
Après avoir au trône élevé son enfance,
Contre ses ennemis affermi sa puissance,
La généreuse ardeur d’une illustre amitié
D’un tout sauvé par moi me devoit la moitié.
Ne dis point que peut-être il me l’eût accordée
Si pour prix de ma foi je l’eusse demandée ;
Quand sa sœur dans mon fils dédaigne un rang trop bas,
C’est me la refuser que ne me l’offrir pas.
Non que mon intérêt m’eût forcé d’entreprendre
Si pour Eucherius j’eusse pu m’en défendre ;
Mais enfin tous mes vœux ne se trouvent remplis
Que de l’avidité de voir régner ce fils.
D’un astre dominant l’indispensable empire
À cet arrêt du sort me contraint de souscrire,
Et dussai-je y périr, quoi qu’il doive en coûter,
Pour lui laisser un trône il faut l’exécuter.

MUTIAN

Mais pourquoi lui cacher vos desseins de la sorte
Si son seul intérêt à conspirer vous porte ?
Devroit-il ignorer ce qu’on ose pour lui ?

Stilicon

Oui, puisqu’à l’empereur il serviroit d’appui,