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Je ne puis différer sans trop de lâcheté
À lui faire raison de cette indignité.
Corrigeons un défaut où le mépris s’attache,
Par la splendeur du trône effaçons-en la tache,
Et pour l’y voir assis pressant un juste effort,
Dérobons sa naissance aux injures du sort.

MUTIAN

Seigneur, je vous dois tout, et quoi qu’on me propose,
Pour venger votre outrage il n’est rien que je n’ose,
Le crime où vous courez ne sauroit m’étonner ;
Mais vous m’avez permis de vous en détourner.
Souffrez donc que j’oppose au dessein que vous faites
Ce qu’est Honorius, ce que par lui vous êtes,
Et que je vous arrache à l’indigne fureur
Qui veut tremper vos mains au sang d’un empereur.

Stilicon

D’abord, je l’avouerai ; saisi d’un trouble extrême,
À prendre ce dessein j’eus horreur de moi-même,
Et d’un tel attentat mon cœur épouvanté
N’en conçut qu’en tremblant toute l’impiété.
Le sang et le devoir soudain y firent naître
Tendresse pour mon gendre, et respect pour mon maître,
Et ravi d’un remords qui conservoit ses jours,
Pour le fortifier j’employois ton secours ;
Mais les honteux mépris d’une ingrate princesse
Ont de ces sentiments dissipé la foiblesse.
Pour punir un orgueil qui ne m’étoit pas dû
À ses premiers transports tout mon cœur s’est rendu.
En vain j’ai voulu voir ma fille couronnée,
Je n’ai vu que d’un fils l’indigne destinée,
Et l’outrage éclatant que souffre son grand cœur
S’il demeure sujet des enfants de sa sœur.
Tout rempli d’un objet et si cher et si tendre,
Le mien ne connoît plus de maître ni de gendre,
Et contre ses remords pleinement affermi,
Voit dans Honorius son plus grand ennemi.