Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/556

Cette page n’a pas encore été corrigée

Est-ce pour mériter vos indignes refus ?

PLACIDIE

J’estime Stilicon, j’estime Eucherius,
J’estime en tous les deux la vertu qu’on m’oppose,
Mais j’estime encore plus le sang de Theodose,
Et périrois plutôt qu’on me vît consentir
Au moindre abaissement qui pût le démentir.

HONORIUS

Je l’ai donc démenti, quand épousant sa fille
J’ai mis par cet hymen le trône en sa famille,
Et l’orgueil qui vous fait dédaigner un beau feu
Est de ma lâcheté le secret désaveu ?

PLACIDIE

À qui que votre choix se fut rendu propice,
Vous eussiez pu, seigneur, faire une impératrice,
Mais si d’Eucherius j’ose flatter l’erreur,
Le faisant mon époux, en fais-je un empereur ?
Aux honneurs de sa sœur il n’a rien à prétendre,
Vous la faites monter quand il me fait descendre,
Et d’un auguste hymen le différent appui,
L’élevant jusqu’à vous, m’abaisse jusqu’à lui.

HONORIUS

Si l’éclat des grandeurs où le sang vous appelle
Oppose à son mérite une fierté rebelle,
Je le mettrois si haut que de moi seul jaloux,
Il baissera les yeux pour les jeter sur vous.
Alors de vos mépris l’injurieux caprice
Lui vaudra la douceur de s’en faire justice,
Et de voir que vos vœux à leur tour méprisez
Se flattent de l’espoir que vous lui refusez.

PLACIDIE

Faites-le devenir ce que l’on m’a vu naître,
Pour être près du trône aura-t-il moins un maître,
Et quand tout l’univers trembleroit sous sa loi,
Tant qu’il la prend d’un autre, est-il digne de moi ?
Pour mériter ce cœur où je le vois prétendre
il faudroit que mon sort de lui seul pût dépendre,