Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/555

Cette page n’a pas encore été corrigée

Comme votre aveu seul les doit laisser paroître,
Votre ordre ne peut rien pour les y faire naître,
Et ce cœur dont on cherche à confondre l’espoir,
S’il ne se donne pas, a peine à se devoir.

HONORIUS

Qu’a fait d’Eucherius la passion extrême
Que de presser ce cœur de se donner soi-même,
Et si de cet espoir il pouvoit se flatter,
Quels plus profonds respects l’auroient pu mériter ?
Vous l’avez vu cent fois dans l’ardeur qui l’engage
De sa flamme à vos pieds porter le pur hommage,
Et n’opposer jamais à vos cruels refus
Qu’une plainte étouffée, ou des soupirs confus.

PLACIDIE

S’il n’avoit que mon cœur à son espoir contraire,
Il pourroit obtenir le don que j’en puis faire ;
Mais ce cœur qu’en secret le vrai mérite émeut,
Ne s’ose pas toujours permettre ce qu’il veut.
Quelque doux sentiment qui tâche à le surprendre,
Il consulte ma gloire avant que de se rendre,
Et quand son intérêt l’oblige à l’étouffer,
Il la respecte assez pour n’en pas triompher.

HONORIUS

De votre gloire en vain le charme vous abuse,
Votre cœur fait le crime, elle preste l’excuse ;
L’éclat qu’elle en attend, et qu’il craint de trahir,
Se hasarde-t-il moins à me désobéir ?
Quoi que dans cet hymen vous crûssiez voir de lâche,
L’aveu que je lui donne en purgeroit la tache,
Et pour un bon sujet qui respecte les dieux,
L’ordre du souverain est toujours glorieux.
Mais sur quel plus beau choix auriez-vous pu me croire ?
Jamais plus de vertu ne soutint plus de gloire.
Stilicon que toujours ont craint nos ennemis,
Se verroit sans égal s’il n’avoit point de fils.
De mille exploits fameux le superbe avantage
En tous lieux à l’envi fait briller leur courage.