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Scène IV


Honorius, Placidie.

HONORIUS

Ma sœur, jusques ici j’ai voulu me défendre
Des sentiments d’aigreur que vous me faites prendre,
Et vu sans éclater qu’un indigne mépris
Des soins d’Eucherius ait été le seul prix.
Vous pouviez ignorer que dans cette entreprise
Par un appui secret mon aveu l’autorise,
Que lui seul de sa flamme a fait naître l’espoir ;
Mais enfin aujourd’hui qu’on vous l’a fait savoir,
Je ne saurois souffrir qu’un refus téméraire
Repousse avec audace un choix qui m’a su plaire,
Et comme en le bravant c’est moi que vous bravez,
J’apprends de votre orgueil ce que vous me devez.
S’il soutient trop en vous la dignité suprême,
Il expose à mes yeux les droits du diadème,
Et me force de voir que rien ne doit borner
Les ordres absolus que je vous puis donner ;
Que quoi qu’un même sang nous ait tous deux fait naître,
Qui ne parle qu’en frère a droit d’agir en maître,
Et que le rang auguste où je me vois monté
Pour régler mes projets n’a que ma volonté.

PLACIDIE

Je sais ce qu’entre nous, quoi qu’égaux de naissance,
L’avantage du trône a mis de différence,
Et je ne puis lui rendre un hommage plus grand
Que d’asservir mon cœur aux respects qu’il vous rend ;
Mais, seigneur, s’il est vrai que l’amour et la haine
D’un aveugle penchant soient la suite certaine,
Ces mouvements secrets qui naissent malgré nous
Sont des droits dont sans crime il peut être jaloux.