Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/549

Cette page n’a pas encore été corrigée
EUCHERIUS

Ah, madame, je sais qu’en de si rudes peines
C’est par le seul oubli qu’on peut rompre ses chaînes ;
Mais lors qu’un vrai mérite en a formé les nœuds,
Un cœur n’est pas long-temps le maître de ses vœux.
De l’éclat de son choix l’âme préoccupée
S’offre sans cesse aux traits qui d’abord l’ont frappée,
Et par sa complaisance à nourrir son erreur,
Ouvre aux sens une voie à séduire ce cœur.
Comme par la raison leur rapport s’autorise,
D’une aimable imposture il aime la surprise,
Et d’un trouble inquiet goûtant le faux appas,
Cède à mille transports qu’il n’examine pas.
C’est par là qu’à soi-même il se rend infidèle,
Et quand à la révolte un fier mépris l’appelle,
En vain à son secours on tâche d’animer
Cette même raison qui lui permit d’aimer ;
Ce qu’elle eut de pouvoir pour flatter son martyre
Se trouve assujetti sous un plus fort empire,
Et l’amour qu’elle crût toujours accompagner
Se montre le tyran de qui le fit régner.
De ses flammes alors on a beau fuir l’amorce,
On aima par surprise, il faut aimer par force,
Et quoi que l’on en souffre, abandonner ses jours
À la nécessité de soupirer toujours.

THERMANTIE

Je connois quel espoir à souffrir vous engage,
Honorius pour vous doit tout mettre en usage ;
Mais si ce grand secours, déjà par moi tenté,
N’a peu de la princesse étonner la fierté,
Qu’espérez-vous que fasse une attaque nouvelle
Que l’aigrir contre vous, et l’empereur contre elle ?
D’un volontaire choix l’amour aime à s’offrir,
Et s’il règne par force, il n’en sauroit souffrir.

EUCHERIUS

Aussi ne croyez pas que le mien, quoiqu’extrême,
Voulût pour triompher employer que soi-même,