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OCHUS

C’est là ce qui te donne un cœur si magnanime ?
D’un Peuple révolté l’insolence t’anime,
Et tes jours s’assurant sur ce coupable appui,
Tu ne crains rien de moi quand je crains tout de lui ?
Mais si pour Darius j’écoute la Nature,
C’est à toi de m’ôter tout soupçon d’imposture,
Ou pour fourbe avoué, ton sang, ton lâche sang
Réparera l’affront que tu fais à mon rang.

MÉGABISE

Et bien, crois en effet sur tes soupçons frivoles
Que je veux te voler ce rang que tu me voles,
Aux mouvements du sang ne donne aucune foi,
Comme un faux Darius punis-moi, venge-toi.
Te laissant une erreur que tu tiens légitime,
Je fais grâce à ta haine, et je t’épargne un crime,
Puisque enfin ta vengeance arrêtée en ton cœur
Perdroit en moi le Prince ainsi que l’imposteur.

OCHUS

Oui, Traître, espère au Peuple, espère en tes Complices,
Nous verrons ta constance au milieu des supplices,
Et si, quand leur rigueur m’aura vengé de toi,
Ils oseront venger un Fourbe sur leur Roi.

MÉGABISE

Et c’est pour voir ta peine et ton péril s’accroître
Que je dédaigne ici de me faire connoître.
Si tu pouvois prouver que tu perds Darius,
Après ma mort, Tyran, tu ne tremblerois plus,
Au lieu que pour mon nom toujours prêt d’entreprendre
Le Peuple s’armera pour qui l’osera prendre.
Ainsi toujours en doute, et toujours malheureux,
Crains tout ce que la Perse aura de généreux ;
Tour à tour contre toi, pour venger mon injure,
Ils feront vanité d’une belle imposture,
Tant que le Ciel enfin à l’un d’eux ait permis
De te chasser du Trône où le crime t’a mis.