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DARIUS

Pour me répondre mieux du cœur de ma Princesse,
Et voir ses vœux se rendre à mes profonds respects,
Sans qu’un motif forcé me les rendit suspects.
Vous déclarant mon sort j’aurois eu lieu de craindre
Qu’à quelque complaisance il n’eût pu vous contraindre,
Qu’une ombre de justice à me rendre mon rang,
Au défaut de l’amour, n’eût fait agir le sang,
Et toujours incertain si l’ardeur qui m’enflamme
Sans l’éclat de mon nom auroit touché votre âme,
De ce doute inquiet le scrupule confus
Eût gêné Codoman dans l’heur de Darius.
J’en ai fui le supplice à garder le silence.

STATIRA

Mais enfin aujourd’hui quelle est votre espérance ?

DARIUS

Que vous dirai-je, hélas ! Quand un lâche Imposteur
D’un bruit qui me flattoit se découvre l’auteur ?
J’en présumois déjà qu’on m’avoit su connoître,
Que sans obscurité mon sort alloit paroître,
Qu’en mourant Tiribase auroit d’un soin discret
Au sein de quelque ami fait tomber mon secret,
Que la preuve par lui m’en seroit infaillible.
Cependant elle m’est d’autant plus impossible,
Qu’un traître sous mon nom ayant déjà paru,
Si je dis qui je suis, je ne serai pas cru.
Le Peuple qu’un faux zèle en sa faveur anime,
Sans rien examiner m’imputera son crime,
Et croyant que je cherche à lui voler son rang…