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ACTE V



Scène I


Statira, Darius, Barsine.

STATIRA

Demandez-vous encor d’où naissent mes alarmes
Quand le tumulte croît jusqu’à prendre les armes,
Et que les Factieux hautement déclarés
Soutiennent contre nous de lâches Conjurés ?
En vain avant qu’au Peuple on eût pu rien apprendre,
Par des ordres secrets on a cru les surprendre.
Du sort de Darius en ce moment instruit
Il a reçu pour Chefs ceux que le Roi poursuit,
Et suivant en aveugle un zèle téméraire
N’écoute pour raison que ce qu’il lui suggère.
Vous l’avez éprouvé, quand sans y réussir
Vous-même avez longtemps pris soin de l’adoucir.
Dans son emportement il ne veut rien connoître,
Il demande son Prince, il demande son Maître,
Et ne cessera point que malgré ses refus
Il n’ait forcé le Roi de rendre Darius.
Jugez dans ce péril ce que j’ai lieu de craindre.

DARIUS

Quoi qu’ordonne le Ciel, que ce Prince est à plaindre,
Si la peur qu’il n’échappe à la fureur du Roi
Est le motif secret du trouble où je vous vois !
Je ne l’aurois point cru, qu’une âme noble et tendre
Des traits de la pitié se pût si bien défendre,
Qu’elle vît à regret un zèle généreux
Dérober à sa haine un Prince malheureux.