Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/508

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE IV



Scène I


Statira, Mégabise, Barsine.

STATIRA

Que me dit ton silence après cette prière ?
Ta vertu tremble-t-elle à se montrer entière,
Et doutes-tu d’agir lorsque pressant ta foi,
Je t’offre les moyens d’être digne de moi ?
Je sais qu’ils sont fâcheux, que ce que je demande
Veut du cœur le plus grand l’épreuve la plus grande,
Et qu’au prix que la gloire au tien en doit coûter
Peu l’aimeroient assez pour oser l’acheter ;
Mais plus l’effort est rare où mon malheur t’excite,
Plus je montre sur moi ce qu’a pu ton mérite,
Et que de ton appui, dans mon espoir flottant,
Si je t’estimois moins, je n’attendrois pas tant.
Vois le Roi, parle-lui, romps ce triste Hyménée
Où par sa cruauté je me vois condamnée.
Renonce en ma faveur à ces charmes flatteurs,
Qui du Trône à tes sens étalent les douceurs,
Et si pour tant de biens dont tu perds l’espérance
L’éclat d’un beau triomphe est peu de récompense,
Songe que c’est beaucoup que par un tel secours
Je te veuille devoir le repos de mes jours.

MÉGABISE

C’est beaucoup, je l’avoue, et la gloire est extrême
De consentir pour vous à s’immoler soi-même,
Mais sur tant de vertu, pardonnez si je dis
Que j’en laisse l’usage à des cœurs plus hardis.
Plus je m’arrête à voir ce qu’elle en ose attendre,
Plus le mien s’effarouche à vouloir y prétendre,