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À voir qu’y renonçant en faveur de la gloire,
Vous obtenez sur vous la plus belle victoire,
Et rendez, à dompter des charmes si pressants,
Le Trône à Darius, et le calme aux Persans.

DARIUS

C’est trop, et mon amour avec vous s’intéresse
Quand Darius au Trône appelle la Princesse.
Pour cet illustre hymen qui lui donne ce droit
Peut-être mon aveu peut plus que l’on ne croit ;
Mais quoi qu’il faille alors que Codoman expire,
En vous le promettant à peine il en soupire,
Sa flamme à Darius fait gloire de céder.

MÉGABISE

Jamais à la vertu sut-on plus accorder ?
Certes pour cet effort, quoi que le Ciel ordonne,
Il vous doit plus qu’un Sceptre, et plus qu’une Couronne.
Pour moi, qui de vous seul croirai tenir le rang
Où m’élevoit d’abord l’avantage du sang,
Si je vous en fais partager la puissance…

DARIUS

Non, non, j’ai su toujours servir sans récompense ;
Mais vous puis-je expliquer un scrupule jaloux
Qu’un mouvement confus m’inspire contre vous ?
Il est bas, et peut-être il choque assez ma gloire
Pour pouvoir affaiblir l’éclat de ma victoire ;
Mais quoi que ma vertu lui veuille résister,
Il force malgré moi mon amour à douter.
Montrez-moi Darius que pressé de surprise
Il refuse en secret de voir dans Mégabise ;
Tirez-le d’une erreur dont il cherche l’appas.

MÉGABISE

Quoi, quand je vous le dis, vous ne m’en croyez pas ?

DARIUS

J’ai tort, je le confesse, et je m’en tiens coupable ;
Mais quand l’amour perd tout, il n’est pas raisonnable.

MÉGABISE

Vos sentiments pour moi sont assez inégaux.