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Scène V


Darius, Mégabise, Bagoas.

MÉGABISE

La princesse me fuit, et mon abord la chasse.
Mais, mon cher Codoman, savez-vous ma disgrâce,
Et que dans le soupçon que le Roi prend de vous
Son ordre dès demain m’en fait être l’Époux ?
Jugez ce que je souffre à trahir votre flamme.

DARIUS

L’intérêt d’un Ami partage trop votre âme.
Enfin de cet hymen votre cœur est d’accord ?

MÉGABISE

Le peut-il sans se faire un violent effort ?
Mais pour en détourner la fatale surprise,
Il faudroit dès ce soir hasarder l’entreprise,
Et songeant en tumulte à la précipiter,
S’exposer au péril de voir tout avorter.
D’ailleurs, quand le succès nous seroit favorable,
Ne rend-t-il pas d’Ochus la perte inévitable ?
Votre pressentiment fait naître ici le mien,
Dans ces confusions on ne distingue rien,
Vous me l’avez fait craindre ; et qu’attendroit la Perse
Du Fils de Darius, du Neveu d’Artaxerse,
Si par la mort d’un Roi que vous fîtes si grand
J’achetois lâchement un Trône qu’il me rend ?
Puisqu’il s’offre un moyen si doux, si légitime,
D’y monter aujourd’hui sans qu’il m’en coûte un crime,
Mon cœur à cet appas ne se peut refuser,
Mais votre seul aveu l’y doit autoriser.
C’est par votre vertu qu’aveuglément j’embrasse,
Que je cherche à régler ce qu’il faut que je fasse.
Si vous la consultez, elle vous offre jour
À voir le peu d’espoir qui reste à votre amour,