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STATIRA

Cruel, pourquoi prêter un cœur qui se veut taire ?
J’ai dit ce que je dois, non ce que je puis faire.
Et quoi que ton erreur te laisse présumer,
Obéir malgré moi n’est pas cesser d’aimer.
Ce cœur, hélas ! Ce cœur te l’avoue à sa honte ;
Il voit toujours en toi le charme qui le dompte,
Et se peint Mégabise avec tous les défauts
Qui m’en rendent l’hymen le plus affreux des maux.
N’espère pas pourtant que quand ce choix m’étonne,
J’oppose aucun refus à l’ordre qu’on m’en donne ;
Mais je me flatte au moins, s’il me faut obéir,
Que forcée à t’aimer, contrainte à le haïr,
Ce criminel désordre et d’amour et de haine
Dont je sens que déjà l’injustice m’entraîne,
Ce déplaisir secret qu’avec tout son pouvoir
L’hymen ne rende pas mon cœur à mon devoir.
Ces indignes retours vers ma première flamme,
D’un si cruel reproche accableront mon âme,
Que par un prompt trépas ils expieront en moi
Le crime de manquer à ce que je me dois.
Est-ce assez te venger de mon obéissance ?

DARIUS

Ah ! Puisqu’il est ainsi, je reprends l’espérance,
Et pour vous affranchir d’un hymen odieux
J’ai trouvé, ma Princesse, un moyen glorieux,
Un moyen qui d’un choix que le Roi favorise
Pourra rendre l’effet douteux à Mégabise.
Non que de ses secrets on me voie abuser,
Mais j’ai les miens à part dont je puis disposer.

STATIRA

Le voici qui s’avance. Adieu, je me retire ;
Tu m’aimes, on le sait, je n’ai rien à te dire.
Presse, agis, persuade, et surtout souviens-toi
Qu’on demande mon cœur, et qu’il n’est plus à moi.