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Ô rigueur de mon sort, dont l’injuste malice
Tire de mon devoir mon plus cruel supplice !
S’il me défend d’aimer par quelle dure loi
Faut-il que n’aimer pas soit un crime pour moi ?


Scène IV


Darius, Statira, Barsine.

DARIUS

Madame, à quelque excès d’injustice et d’outrage
Que de mon fier destin ait pu monter la rage,
Pour en forcer l’injure, ou remplir le courroux,
Souffrez qu’un malheureux prenne conseil de vous.
Il ordonne ma mort, je pourrois l’en dédire ;
Mais ma foi de mon cœur vous a soumis l’empire,
Et je respecte trop toutes vos volontés,
Pour n’y consentir pas si vous y consentez.

STATIRA

Ce pouvoir que sur toi ton respect m’abandonne,
Ne sauroit empêcher ce que le Sort ordonne.
Oui, telle est sa rigueur, qu’avec le Roi d’accord,
Sans plus d’incertitude il a juré ta mort,
Et par un dur surcroît au mal qui me tourmente,
De peur d’y consentir il faut que j’y consente,
Si toutefois pour toi ma perte est un malheur
Qui te puisse obliger à mourir de douleur.

DARIUS

Vous en doutez, Madame, et l’ardeur qui me presse
Vous a si mal encor expliqué sa tendresse !
Et bien, puisque ce doute occupe vos esprits,
Traitez un lâche Amant de haine et de mépris.
C’est tout ce qu’il mérite en sa disgrâce extrême,
S’il ne sait pas mourir quand il perd ce qu’il aime,
Et se faire raison, en renonçant au jour,
De ce qu’a fait le Sort d’outrage à son amour.