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Sur le bruit de mon nom dont j’ai semé les charmes,
Déjà le Peuple ému semble courir aux armes ;
Entreprenons, régnons ; pour ce noble dessein
J’ai des Amis tout prêts à me donner la main,
Et si vous secondez une si juste audace,
Le Tyran dès demain me peut voir en sa place,
La ligue est bien formée, et d’une même voix
Tous ne veulent qu’en moi le vrai sang de leurs Rois.
Montrez-vous favorable à l’ardeur qui les presse.
C’est l’unique moyen d’acquérir la Princesse,
Sa foi de cet effort sera le digne prix.
Mais quel trouble subit agite vos esprits ?
Vous ne répondez point ?

DARIUS

Que puis-je vous répondre,
Si tout ce que j’entends ne sert qu’à me confondre ?

MÉGABISE

Il suffit, Codoman, j’en connois le sujet ;
Votre amour n’eût jamais qu’un Trône pour objet,
Et plus ambitieux qu’Amant de la Princesse,
Le nom de Darius vous étonne, vous blesse.
À vos prétentions son espoir est fatal ?

DARIUS

Ah, qu’en juger ainsi c’est me connoître mal !
D’un sentiment si lâche en vain on me soupçonne,
Et lorsqu’à Darius on doit une Couronne,
J’ose sur moi des Dieux appeler le courroux
Si je n’ai pas pour lui la même ardeur que vous,
Si de son premier sort l’abaissement extrême
Ne m’intéresse pas à l’égal de lui-même,
Et si dans mes souhaits rien m’est plus précieux
Que de revoir ce Prince au rang de ses Aïeux.
Mais aimant Statira, j’irrite sa colère
À me joindre au parti qui s’attaque à son Père ;
Jugez par là du trouble où vous m’avez surpris.

MÉGABISE

Et bien, déguisez-vous le dessein que j’ai pris,