Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/485

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et les Cadusiens battus en tant de guerres,
Ne laissent pas encor de menacer nos terres,
Si par mon alliance on offre à leurs souhaits
L’inviolable nœud d’une éternelle paix.

DARIUS

Quoi ? Vous pourriez, Seigneur, par un accord si lâche,
Souffrir à votre gloire une honteuse tache,
Et la Perse, aujourd’hui l’effroi des Nations,
Traiteroit de la paix à des conditions ?
L’offre en est téméraire, et l’audace insolente,
Et pour leur en donner une preuve éclatante,
Autorisez mon bras à leur faire savoir
Que c’est à vous d’en faire, et non d’en recevoir.

OCHUS

J’aime en toi cette ardeur, mais ce qui m’embarrasse
C’est d’un trouble intestin la secrète menace,
Et que nous divisant, nous n’en soyons moins forts
À résister ensemble et dedans et dehors.

DARIUS

Que l’effort en soit joint, j’ai pour vous en défendre
Une vie à donner, et du sang à répandre,
Et peut-être, Seigneur, quoi qu’on ose tenter,
Pour jouir du triomphe, il faudra l’acheter.

OCHUS

Assez d’occasions ont signalé ton zèle,
Mais en puis-je accepter cette preuve nouvelle,
Sans qu’au moins tes souhaits affranchissent un Roi
Du reproche honteux d’avoir peu fait pour toi ?
Force cette vertu dont l’austère maxime
Tient des prix les plus hauts le refus légitime.
Tes désirs par les miens se verront seconder,
Et pour obtenir tout, tu n’as qu’à demander.

DARIUS

Si la vertu, Seigneur, à ce refus engage,
J’en connois encor mal le scrupuleux usage ;
Ce charme des grands cœurs agit peu sur le mien,
Et pour trop souhaiter je ne demande rien.