Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/483

Cette page n’a pas encore été corrigée

Puisque enfin Darius offert à sa rigueur
Ne passera chez lui que pour un Imposteur.
Que me sert d’être né du sang de nos Monarques,
Si Tiribase est mort sans m’en laisser de marques,
Et m’expose aujourd’hui, si je me montre en Roi,
À la nécessité d’être cru sur ma foi ?

AMESTRIS

Quoi ! Pour justifier l’heur de votre naissance
Un billet de sa main n’est pas votre assurance ?

DARIUS

En vain pour l’obtenir j’ai fait cent fois effort,
Il me le réservoit à l’instant de sa mort,
Mais elle fut trop prompte, et l’Égypte asservie
M’y tenoit arrêté quand il perdit la vie.
Jugez par cette absence où je me suis réduit.

AMESTRIS

C’est ce qui vous oblige à semer ce grand bruit,
Afin que si le Peuple aux nouveautés propice
S’offre à contraindre Ochus de vous rendre justice,
Vous puissiez, sur l’appui qu’il voudra vous prêter,
Justifier un sort dont on pourroit douter ?

DARIUS

Ah, Madame, ce bruit où mon nom se hasarde
N’attend point de succès dont l’effet me regarde,
Et quoi qu’à le défendre il semble m’engager,
J’en blâme le projet, et n’en sais que juger.

AMESTRIS

S’il ne vient point de vous, qui l’aura donc fait naître ?

DARIUS

Tiribase, obligé de me faire connoître,
Peut avoir, en mourant, à quelque Ami discret,
Du Fils de Darius confier le secret.
C’est sans doute par là que l’on sait qu’il respire,
Mais à quoi que pour moi tout ce tumulte aspire,
N’en prenez pour Ochus aucun sujet d’effroi ;
Je suis Amant, et Prince ; il est et Père et Roi.
Qu’il règne, j’y consens, et quoiqu’il en advienne,
Ma tête entre ses mains vous répond de la sienne,