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Après qu’à cet effort l’amour l’a su réduire,
Tu dois croire l’envie impuissante à te nuire,
Et qu’un succès plus prompt qu’on n’eût osé penser
Justifiera l’espoir où j’ai dû te forcer.

DARIUS

Je l’ai pris en tremblant, mais soit heur, soit disgrâce,
Madame, il faut enfin en découvrir l’audace,
Et le fatal revers qui menace ma foi
Me contraint d’expliquer ma passion au Roi.
J’y consens, mais hélas ! Puis-je sans vous déplaire
Fuir l’hymen de la Soeur quand vous aimez le Frère ?
Mégabise en ses vœux éprouve un sort bien doux,
Et je dois du respect à qui brûle pour vous.

AMESTRIS

Si j’ai sur Mégabise accepté quelque empire,
J’ai cru ce qu’un beau zèle en ta faveur m’inspire,
Et voulu m’acquérir ce cœur ambitieux,
De peur qu’à la Princesse il n’élevât les yeux.
Ainsi ton intérêt sollicita mon âme
De me montrer sensible à l’aveu de sa flamme,
Et je songeai bien plus par cet engagement
À t’ôter un Rival qu’à choisir un Amant.
Cependant quand mon cœur par mille soins n’aspire
Qu’à te faciliter un chemin à l’Empire,
Et qu’un secret instinct me fait croire qu’en toi
La Perse après Ochus doit respecter son Roi,
D’un bruit qui me confond le surprenant murmure
En moi contre le sang révolte la Nature,
Et soit pour Darius, soit pour un Imposteur,
Partout également m’en fait craindre l’auteur.
Bien qu’à ce Darius la Couronne soit due,
Je tiens dans ses souhaits mon âme suspendue,
Quand semant de son nom le charme précieux
Je le vois contre Ochus presser les Factieux ;
Et si d’un Imposteur la coupable insolence
Attente sur un rang dont l’exclut la naissance,
C’est toujours mettre obstacle au glorieux projet
Qui te doit affranchir du titre de Sujet.