Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/479

Cette page n’a pas encore été corrigée

De grâce, expliquez-la.

AMESTRIS

Voudrois-je m’en défendre
Lorsque mille vertus qu’admire notre Cour
Nous font voir Codoman digne de votre amour ?
Je sais qu’il vous adore, et si pour son audace
Ses grandes actions n’obtiennent point de grâce,
Comme à brûler pour vous j’osai l’autoriser,
C’est moi seule, c’est moi qu’il en faut accuser.
Oui, Madame, un soupir, malgré sa retenue,
Fit paroître à mes yeux âme toute nue,
Et versa dans mon sein tout le secret d’un feu
À qui de sa raison il refusoit l’aveu.
Loin d’en blâmer l’ardeur dans une si grande âme,
Je prêtai quelque espoir à sa timide flamme,
Et lui peignant en vous un esprit généreux,
Je forçai son respect d’applaudir à ses voeux.
Ainsi de mon secours tirant un doux présage,
À vos pieds par mon ordre il en porta l’hommage.
Et l’ayant pu soumettre à de si chères lois,
Quoi qu’ordonne le Roi, je sais ce que je dois.

STATIRA

Ah ! Si vous l’aviez su, m’auriez-vous exposée
À rougir de connoître une victoire aisée,
Et de pouvoir si peu sur mon cœur abattu,
Qu’il n’ose au plein triomphe, enhardir ma vertu ?
Puisque vous m’y forcez, je l’avouerai, Princesse ;
Malgré moi, Codoman a surpris ma foiblesse,
Ou plutôt j’ai souffert que ce cœur indiscret
D’un feu qui lui plût trop me cachât le secret.
Au moins ce choix du Roi par sa rigueur extrême
M’apprend bien que j’aidois à me tromper moi-même,
Et qu’où l’amour se plaît d’établir son pouvoir,
De peur de s’en défendre, on n’en veut rien savoir.

AMESTRIS

Laisser agir les Dieux dont l’ordre vous inspire ;
De nos cœurs à leur gré lui seul règle l’empire,