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STATIRA

À quels nouveaux périls ce dessein vous engage !
Jaloux de ce qu’il est, il prend de tout ombrage,
Et contre ses soupçons rendant peu de combat,
La moindre ambition est un crime d’État.
Ainsi croyant qu’en moi vous cherchez sa Couronne,
Gardez qu’à ses transports son cœur ne s’abandonne,
Et que de ses refus l’invincible fierté
N’en porte la rigueur à trop d’indignité.

DARIUS

Que contre mon audace il s’emporte, il s’enflamme,
Ce que j’ai fait pour lui saura toucher son âme,
Et s’il peut l’oublier, le rang où je me vois
M’a donné des Amis qui parleront pour moi.

STATIRA

Connaissez mieux la Cour et tous ses artifices.
On vous flatte, on vous aime après vos grands services,
Mais au premier revers, quoi qu’on vous eût promis,
Si le Roi vous manquoit, vous n’auriez plus d’Amis.

DARIUS

Qu’ils m’abandonnent tous au milieu de l’orage,
J’aurai pour moi du moins ma gloire et mon courage,
Un si solide appui ne sauroit m’abuser.
Mais pourquoi craindre tout quand je dois tout oser ?
Est-ce qu’un juste orgueil que le sang vous inspire
A peine à consentir où bonheur où j’aspire,
Et que de son éclat vos sentiments jaloux…

STATIRA

Ah ! C’est peu mériter ce que j’ai fait pour vous,
Et ce doute outrageant que vous faîtes paroître
Désavoue en secret l’amour qui le fait naître.
Un cœur qui dans ses soins ne prend aucune part,
Sans s’émouvoir de rien, remet tout au hasard,
Et quoi qu’en juge ici votre injustice extrême,
Vous montrer que je crains, c’est vous dire que j’aime,
Et m’expose à regret à l’horreur d’un devoir,
Qui me défend l’amour s’il vous défend l’espoir.