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Et que de leurs regards l’infidèle langueur
T’abandonne à ce nom les secrets de mon coeur ?
Je sais que de mon rang la dignité suprême
Me devroit assurer l’empire de moi-même,
Et domptant d’un beau feu les charmes trop puissants,
Dégager ma raison du trouble de mes sens ;
Mais quoi que l’on oppose à de si douces flammes,
Les belles passions cherchent les belles âmes,
Et l’amour de ses droits n’est pas si peu jaloux
Qu’il prenne notre aveu pour triompher de nous.
D’une haute vertu l’éblouissante amorce
Lui fait faire d’abord un essai de sa force.
C’est par là qu’en nos cœurs sans soupçon introduit
D’un rare et plein mérite il y porte le bruit ;
L’image qu’on s’en forme, et pompeuse et brillante,
En arrache aussitôt une estime innocente,
Elle flatte, ou s’y plaît, elle émeut, ou consent ;
On croit qu’elle est toujours ce qu’elle est en naissant,
Et lorsque de l’amour que cette erreur déguise,
Par son inquiétude on conçoit la surprise,
Le cœur s’en est déjà si bien laissé charmer,
Qu’il n’est plus en état de refuser d’aimer.

BARSINE

Je vous plains du malheur où je vous vois réduite ;
Mais vous pouvez, Madame, en prévenir la suite,
Et d’Amestris pour vous intéressant la foi,
Vous opposer par elle aux volontés du Roi.
Employez le pouvoir qu’elle a sur Mégabise.

STATIRA

De ce choix plus que moi tu la verras surprise,
Et le coup que ma flamme a lieu de redouter,
Par son propre intérêt la doit inquiéter.
Elle aime Codoman.

BARSINE

Vous le croyez, Madame ?

STATIRA

Oui, Codoman sans doute a su charmer son âme.