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MÉGABISE

Ah ! Je ne cherche pas, quoi que j’en doive attendre,
Par où justifier le nom que je vais prendre.
Le Peuple aux nouveautés toujours prompt à courir
Prendra pour Darius qui qu’on lui veuille offrir,
Et lorsque assis au Trône on craindra ma puissance,
Qui me demandera raison de ma naissance ?
Mais Codoman lui seul arrête encor mon bras.
Il est chéri du Peuple, adoré des Soldats,
À l’Armée, à la Cour, chacun le favorise,
Et nous ferions en vain éclater l’entreprise,
Si dans notre parti, pour le mieux assurer,
Mes soins auparavant n’avoient su l’attirer.

BAGOAS

Quoi que vous en promette un espoir trop crédule,
Je crains de sa vertu le sévère scrupule.
Je sais que quelquefois du Roi mal satisfait
Contre la tyrannie il s’emporte en secret,
Qu’il hait sa politique, en blâme la maxime ;
Mais il ne peut souffrir la moindre ombre du crime,
Et croira se noircir d’un reproche trop bas,
À le priver d’un Trône affermi par son bras.

MÉGABISE

L’amitié qui nous lie obtiendra toute chose,
Et quelque âpre vertu que son devoir m’oppose,
Me croyant Darius à qui ce Trône est dû,
À mes désirs sans peine il le verra rendu,
Essayons seulement, pour avoir moins à craindre,
À faire que d’Ochus il ait lieu de se plaindre,
Et si pour l’épargner son zèle fait effort,
Nous promettrons sa vie en conspirant sa mort.

BAGOAS

C’est le plus sûr moyen ; mais cette violence
Du côté d’Amestris vous défend l’espérance,
Et vous croiriez en vain que son juste courroux
Dans l’assassin d’un frère acceptât un Époux.