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Mais quand juste en ses mœurs et grand en sa personne
Un Prince à l’une ou l’autre en ton rang s’abandonne,
De son Peuple du moins par ce malheur trahi
Il est plaint en secret, et n’en est point haï ;
Mais ces destructions de Provinces entières
Sont de tes volontés les expresses matières.
Rome ne souffre rien d’affreux ni de sanglant,
Qui n’ait de toi l’appui d’un ordre violent,
Et dans les cruautés qui font qu’on t’y déteste,
Cette main qu’à tes jours je crus rendre funeste,
Ne faisoit qu’usurper, à punir tes forfaits,
L’office de ce foudre à qui tu me remets.

COMMODE

Je t’ai laissé vomir ta rage la plus noire
Pour chasser de mon cœur l’opprobre de ma gloire,
Un reste de tendresse à qui prêt à céder
Ce cœur, ce lâche cœur osoit trop accorder.
Dis que ma cruauté, dis que ma barbarie
Réveillent dans le tien l’amour de la Patrie,
Et qu’en moi, par un zèle et sincère et parfoit,
Tu lui sacrifiois le Tyran qu’elle hait.
Malgré toi mon soupçon à mes regards expose
D’un dessein avorté la criminelle cause,
Puisque si ta fureur n’eût que pour Rome osé,
Pour exécuter mieux tu m’aurois épousé,
Et sans rien hasarder, au gré de ton envie,
Choisi l’occasion de t’immoler ma vie.

HELVIE

Tu m’offenses,
COMMODE
, à vouloir comme toi
Qu’
HELVIE
en ses projets n’ait ni vertu ni foi.

Ce coup qui de tes jours devoit finir la trame,
Aurais-je pu l’oser si j’eusse été ta Femme,
Et permettre à l’ardeur d’un illustre courroux,
Dans des nœuds si sacrés, la haine d’un Époux ?
D’une belle entreprise où la gloire me guide
L’hymen que tu pressais eût fait un parricide,
Et c’est pour un Tyran un trop glorieux sort,
Lorsqu’il en coûte un crime à qui résout sa mort.