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Et monter dans un Trône où son espoir trompé
Se plaindroit d’un Empire à faux titre usurpé.
Pour mériter ce rang que votre amour m’apprête
Il faudroit que mon cœur devînt votre conquête,
Et quelque vaste éclat qu’il fît sur moi tomber,
J’aime mieux n’être rien que de le dérober.

COMMODE

Quoi, quand l’amour du Trône a pouvoir sur tout autre,
C’est peu que vous l’offrir pour mériter le vôtre,
Et l’Univers entier dans cette offre compris
D’un cœur que je demande est un indigne prix ?
Ce que l’ambition a de plus puissants charmes,
Pour vaincre sa fierté, n’a que de foibles armes ?
Si du Maître du monde il dédaigne la loi,
À qui donc se soumettre ?

HELVIE

À moi, Seigneur, à moi.
Les Dieux m’en ont donné l’Empire pour partage,
Mes respects seulement vous en doivent l’hommage.
Et du plus fort pouvoir quel que soit l’ascendant,
Cet hommage rendu le laisse indépendant.

COMMODE

Enfin, Madame, enfin je commence à connoître
Que j’ai tort de prier, pouvant parler en maître ;
J’en ai le droit, Madame, et l’orgueil le plus fier
Devroit s’en souvenir quand je veux l’oublier.

HELVIE

Je m’en souviens, Seigneur, et vous montrer une âme,
Malgré l’espoir du Trône, incapable de flamme,
L’exposer toute nue et sans fard à vos yeux,
C’est vouloir vous traiter de même que les Dieux.

COMMODE

Et bien, puisque l’amour n’y sauroit trouver place,
D’un indigne refus il faut souffrir l’audace,
Soyez en liberté d’aimer ou de haïr,
Mais je commande enfin, c’est à vous d’obéir.