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Si de vos vœux secrets il m’a soumis l’hommage,
Vous me deviez au moins déguiser cet outrage,
Et ne me forcer pas à dégager le mien
D’une estime, où vos feux prendroient trop de soutien.

ÉLECTUS

Quoi, Madame, il se peut que vous nommiez injure
Une ardeur si parfaite, une flamme si pure,
Qu’il semble qu’en effet rien n’en approche mieux
Que le profond respect que nous devons aux Dieux ?
L’amour n’arien en soi que de grand, que d’illustre,
Quand un lâche motif n’en ternit point le lustre,
Et que le propre amour qui le suit pas à pas
Emploie à le corrompre un inutile appas.
Le pouvez-vous mieux voir qu’en celui qui m’anime ?
Il vous offre en mon cœur une pure victime,
Un cœur qui d’intérêt pleinement dépouillé,
D’aucun regard vers moi ne l’a jamais souillé.
Quoiqu’il brûlât pour vous, il a bien su le taire
Voyant que l’Empereur s’efforçoit à vous plaire,
Et que ce Trône Auguste où l’ont placé les Dieux
Offroit à vos désirs un appas glorieux.
Pour seconder l’espoir qu’il vous en a fait prendre,
Je n’ai point craint la mort que j’en devois attendre.
Vous m’avez commandé, j’ai su vous obéir,
On l’a vu balancer, on m’a vu me trahir.
J’ai pressé, combattu, remporté la victoire,
Jamais pour mon repos, toujours pour votre gloire ;
Un zèle infatigable a soutenu ma foi,
Sans cesse tout pour vous, et jamais rien pour moi.
Jugez par ces efforts où ma vertu m’engage,
Si l’amour qui m’enflamme a pu vous faire outrage,
Et si dans le respect qui l’ose mettre au jour,
Vous y pouvez blâmer que le seul nom d’amour.

MARCIA

Je ne sais s’il n’a rien qui soit plus condamnable,
Mais je sais que j’écoute, et qu’il en est coupable,
Puisqu’un charme secret que j’ai peine à bannir,
Me force à la pitié quand je devrois punir.