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C’est trop, votre vertu m’accable, et je crains bien
Que vous n’obteniez tout en ne demandant rien.
Oui, ce profond soupir vous fait assez connoître
Que de sa passion mon cœur n’est pas le maître,
Et que ce triste hymen qui vous ôte ma foi,
A moins d’horreur pour vous, que de rigueur pour moi.
Contrainte à mon devoir d’immoler ma tendresse,
Je combats lâchement l’ennemi qui me presse,
Et ma vertu qu’alarme un tumulte secret,
Ne vainc qu’en soupirant, et triomphe à regret.

LAETUS

Ah ! Si ce seul hymen que l’on me veut prescrire
S’oppose aux sentiments que l’amour vous inspire,
N’en étant point complice, est-il juste qu’enfin
Je demeure puni d’un crime du Destin ?

HELVIE

Nommez crime ou malheur un ordre redoutable,
J’en regarde l’effet, et non pas le coupable.

LAETUS

De cette crainte en vain votre esprit est atteint,
Il n’en aura jamais.

HELVIE

Vous y serez contraint.

LAETUS

À cet ordre inhumain croyez-vous que je cède ?

HELVIE

Du mal qui vous poursuit c’est l’unique remède.

LAETUS

Quoi, mon amour vous touche, et je puis mériter
Qu’à l’infidélité vous osiez me porter ?

HELVIE

Cet effort à mon cœur coûte plus qu’on ne pense.
Mais enfin du Tyran je sais la violence,
Et j’aime encore mieux dans un si rude sort
Regretter votre amour, que pleurer votre mort.