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Et que sans avantage ayant reçu le jour,
Nous regardions de loin les pompes de la Cour ;
Mais enfin aujourd’hui si l’on nous considère,
C’est plus de le devoir à la vertu d’un Père,
Que si du plus beau sang la brillante splendeur,
Sans cet illustre appui, soutenoit sa grandeur.
Jusqu’ici Pertinax a su forcer l’envie
De ne rien dérober à l’éclat de sa vie,
Et par un vrai mérite il fut de ces Amis

Que laissa Marc Aurèle à
COMMODE
son Fils.

Comme élevant la Fille il honore le Père,
C’est Pertinax en moi, c’est son sang qu’il révère ;
Et de ces vieux Amis resté seul aujourd’hui,
C’est le zèle de tous qu’il récompense en lui.

HELVIE

Soit qu’il ait craint le Peuple, ou respecté son âge,
Dites qu’il le seul qu’ait épargné sa rage,
Et qu’au premier avis contraire à ses souhaits,
Pour le perdre sans bruit il le tient au Palais.

MARCIA

Mais, ma sœur, si telle est sa lâche tyrannie,
Qu’à qui peut lui déplaire il en coûte la vie,
Quoi que pour son hymen vous m’inspiriez d’horreur,
Je dois pour Pertinax redouter sa fureur,
Et ne pas m’exposer par une vaine audace
À le voir sur un Père étendre sa disgrâce.

HELVIE

J’aurois tort de combattre un motif si pieux.

MARCIA

Et bien, si vous voulez, il n’est qu’ambitieux ;
Mais quoi qu’on en présume, au moins j’ai l’avantage,
Que Rome avec plaisir m’apprête son hommage,
Et semble triompher de pouvoir une fois
Applaudir au Tyran qui lui donne des lois.
Ne désavouons pas cette gloire éclatante ;
Pour mériter ses vœux remplissons son attente,
Et dans ce grand dessein cherchons à réussir,
Ou pour rompre ses fers, ou pour les adoucir.