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CLÉOPHIS

J’abuserois d’un nom qui ne m’est point permis.
On le publie en vain, vous n’êtes point mon fils.

ROI

Quoi, ce n’est qu’un faux bruit qu’a fait courir l’envie,
Et toujours Philoxène est Prince de Lydie ?

CLÉOPHIS

On en sait déjà trop pour pouvoir déguiser
Qu’à mon Roi pour son fils j’osai le supposer ;
Mais un même accident dans la même journée
Du Prince et de mon fils trancha la destinée,
Et ce vaillant Héros qui passoit pour le sien,
N’est en effet, Seigneur, ni son fils, ni le mien.

ROI

Et qui donc ?

CLÉOPHIS

C’est de quoi je n’ai point connoissance.

PHILOXÈNE

Dieux, quel Astre fatal éclaira ma naissance,
Si sans m’en éclaircir le funeste embarras,
L’on apprend seulement ce que je ne suis pas ?

CLÉOPHIS

Je ne vous dirai point ce qu’a su la Phrygie,
L’injuste emportement du feu Roi de Lydie,
Qui par l’hymen du Prince à la fureur réduit,
Si l’on ne l’eût soustroit, en eût perdu le fruit.
Il me fut confié, Lesbos fut ma retraite,
Qui pendant mon séjour demeura si secrète,
Que sur moi seul le Prince osant s’en assurer,
De peur de se trahir, la voulut ignorer.
Ayant alors un fils, ma Femme en cet orage
Avec notre dépôt enleva ce cher gage,
Et c’est par où l’on croit que n’étant point au Roi,
Puisque j’avois un fils, Philoxène est à moi.
Mais huit mois en effet s’étoient coulés à peine
Qu’avec lui je pleurai le jeune Philoxène.
Tous deux en même jour terminèrent leur sort.
Jugez de ma douleur dans l’une et l’autre mort,