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J’aurai la lâcheté d’y pouvoir consentir ?

PHILOCLÉE

Et par où prétends-tu repousser la tempête ?
Emploierai-je ton bras pour couronner ma tête,
Et veux-tu qu’essayant un rebelle attentat,
Plutôt que de céder, j’expose tout l’État ?

ANAXARIS

Ah, Madame, épargnez ce soupçon à ma gloire,
La maxime est injuste et la tache trop noire.
Mais vous voir accepter un changement si prompt,
Sans reprocher aux Dieux l’outrage qu’ils vous font…

PHILOCLÉE

Le noble emportement que m’inspire ton zèle !
Je sais voir un cœur bas si je ne les querelle,
Et je trahis ma gloire à n’oser mériter
La chute où leur rigueur me veut précipiter ?
S’il est vrai que pour moi ton amour s’intéresse,
Aie assez de vertu pour suivre ma foiblesse,
Et pour bien signaler ta générosité,
Élèves-en l’effort jusqu’à ma lâcheté.
Alors tu connoîtras qu’un cœur qui se possède,
Des plus rudes malheurs porte en soi le remède,
Et que d’un fier destin l’implacable courroux,
Jamais sans notre aveu ne triomphe de nous.

ANAXARIS

J’aurois ces sentiments dans ma propre disgrâce,
Mais l’amour…

PHILOCLÉE

Cet amour un peu trop t’embarrasse,
Mais je l’estime assez pour forcer mon devoir
À ne rien croire encor de ce qu’il me fait voir.
Tu m’as offert des voeux, le Roi les autorise,
À toute leur attente il me veut voir soumise.
Incapable d’aimer ainsi que de haïr,
Le temps me fera voir si j’ai lieu d’obéir.
C’est ce qui me console en perdant la Couronne,
Qu’il faut qu’à ce qu’elle est ton âme s’abandonne,