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Plus à l’en dégager vous trouverez de peine,
Plus d’un œil indigné vous verrez Philoxène,
Et vengerez sur lui par un juste courroux
L’attentat innocent qu’il aura fait sur vous.

BÉRÉNICE

Moi, je voudrois éteindre une si pure flamme ?
La bannir de mon coeur ?

PHILOXÈNE

Vous le devez, Madame,
Et par ce grand triomphe aujourd’hui témoigner,
Que qui se vainc soi-même est digne de régner.

BÉRÉNICE

Ta vertu te séduit, mais quoi qu’elle ose croire,
La pourrois-tu souffrir cette injuste victoire,
Et quel qu’en soit l’éclat, s’il m’y faut aspirer,
Dois-tu m’en avertir quand je veux l’ignorer ?

PHILOXÈNE

Votre foi par Araxe à mes yeux engagée
Combat pour moi sans doute, et vous tient partagée ;
Mais comme un sort nouveau veut un cœur différent,
Mon amour la reçut, mon respect vous la rend.

BÉRÉNICE

Si pour y renoncer ta force est assez grande,
Attends du moins, cruel, que je te le demande,
Et te voyant du Ciel injustement trahi,
Mérite d’être plaint, et non d’être haï.

PHILOXÈNE

Quoi qu’il veuille ordonner pour augmenter ma peine,
Je doute si je puis mériter votre haine ;
Mais enfin je sais trop qu’après ce triste jour
C’est un crime pour moi de garder votre amour.

BÉRÉNICE

Quoi, faut-il que je croie une indigne apparence ?
Veux-tu cesser d’aimer quand tu perds l’espérance,
Et par un sentiment trop éloigné du mien,
Ton amour tremble-t-il à ne prétendre rien ?
Soutiens plus noblement le revers qui l’accable,
Demeure infortuné sans te rendre coupable.