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Scène III

Philoxène, Bérénice, Clitie.
PHILOXÈNE

Quoi que le Ciel s’efforce à troubler ma constance,
Madame, avant qu’ici je rompe le silence,
Souffrez que dans vos yeux je tâche à remarquer
Comment avecque vous je me dois expliquer.
Dans l’excès surprenant du bien qu’il vous envoie,
Faut-il témoigner ma douleur ou ma joie ?
Si sur moi l’une et l’autre agit également,
L’une et l’autre peut-être est digne d’un amant.
Pardonnez-moi ce nom, dont l’indiscrète audace
Pour forcer mon respect se sert de ma disgrâce,
Et lui fait présumer qu’elle se doit souffrir
À qui pour tout espoir n’aspire qu’à mourir.

BÉRÉNICE

Ce n’est donc pas assez de l’ennui qui me presse,
Vous voulez triompher encor de ma foiblesse,
Et voir de mon devoir les efforts impuissants
Abandonner mon âme au trouble de mes sens.
Et bien, pour vous souffrir ce funeste avantage,
J’avouerai que le sort en m’élevant m’outrage,
Et qu’à quoi que m’oblige un si grand changement,
Philoxène à mon cœur plaira toujours amant.

PHILOXÈNE

Ah, si ce cœur consent à l’aveu que vous faites,
Il est mal informé de tout ce que vous êtes,
Et sa tendresse encor l’intéressant pour moi,
Oppose Bérénice à la fille du Roi.
Mais quand jaloux du rang où le Ciel vous fit naître,
Il aura bien compris ce qu’il commence d’être,
Et que se connoissant il se verra contraint
De rejeter l’ardeur dont il s’avoue atteint,