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Et que de votre flamme il condamnât l’effort,
Quand il voit la Lydie abaisser votre sort

PHILOXÈNE

Au contraire, Madame, il m’est trop favorable,
Il surpasse mes voeux, et c’est ce qui m’accable.

PHILOCLÉE

S’il eût pu se lasser d’en obtenir l’espoir,
Je vous aurois offert ce que j’ai de pouvoir,
Et n’aurois refusé ni mes soins ni ma peine.

ARAXE

Ah, Madame, épargnez l’illustre Philoxène.
Quoi qu’ose la Lydie, ou qu’elle ait pu tenter,
Un Héros tel que lui n’a rien à redouter,
Et toujours sa vertu dans le plus fort orage
Répond à son grand cœur du destin qui l’outrage.

PHILOCLÉE

Je sais que la vertu par un secret effort
Rend toujours un grand cœur arbitre de son sort,
Que c’est sans s’abaisser qu’il quitte une Couronne ;
Mais il est peu d’Amis que sa chute n’étonne,
Et lorsqu’on perd un trône où l’on crût s’élever,
Il faut bien du mérite à se les conserver.

PHILOXÈNE

Quand par ces sentiments d’une âme trop commune
Sans peser le mérite ils suivent la fortune,
Le malheur, qui leur rend le changement permis,
Nous ôte des flatteurs, et non pas des Amis.

PHILOCLÉE

Vous exigeriez d’eux une ardeur bien parfaite !

PHILOXÈNE

Je les demande tels que je vous les souhaite.

PHILOCLÉE

La grandeur les attire, et lorsqu’on en jouit…

PHILOXÈNE

C’est le malheur des Rois qu’un faux zèle éblouit,
Et qui ne cherchent point, dans l’encens qu’on leur donne,
Quelle part leur mérite en doit à leur Couronne.