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Ce cœur ambitieux ne sut plus me cacher
Que l’éclat de ce trône avoit su le toucher ;
Que feignant qu’en lieu sûr le jeune Atis respire,
Je m’acquérrois un titre à partager l’Empire,
Et qu’il étoit permis, sans blesser son honneur,
D’en usurper les droits sur un Usurpateur.
Le voyant trop puissant, voyant dans Apamée
Phénice avec ma Femme au Palais enfermée,
Je crus qu’il valoit mieux, pour bien servir mon Roi,
Le laisser quelque temps en doute de ma foi.
Je dissimulai donc une mort trop certaine,
Atis fait cru vivant, excepté de la Reine,
À qui de mes desseins ne déguisant plus rien,
Mon secret confié, je méritai le sien.
De cette déplorable et captive Princesse,
Jugez avec quel soin je cachai la grossesse,
Sachant qu’Antaléon, dans la soif de régner,
Pour en perdre le fruit n’eût pu rien épargner.
Par ce billet, Seigneur, Vous avez su le reste,
Notre échange suivi d’un malheur trop funeste,
Puisqu’on sait que ma Femme étant morte d’abord,
Deux ans après, la Reine éprouva même sort.
Je ne vous parle pas de mes secrètes brigues,
Qui contre Antaléon formant de lourdes ligues,
Me mirent en état, après quatre ans d’appui,
De m’oser pour le Roi déclarer contre lui.
Vous savez que d’Atis la perte déclarée
Rendit des plus mutins la défaite assurée,
Et que dans Apamée, avecque peu d’effort,
Par ce bruit répandu je me vis le plus fort ;
Qu’Antaléon contraint de quitter la Phrygie
Nous a brouillés quinze ans avec la Mysie,
Qu’il l’arma contre nous, et que sa prise enfin
Par vous seul aujourd’hui nous soumet son destin.

PHILOXÈNE

Mais pendant ces quinze ans, par quel trait de prudence
De Bérénice au Roi déguiser la naissance ?