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Et qui pour mieux détruire un coupable projet,
Du traître Antaléon suit le parti rebelle.
Jugez de mon malheur sans son heureux secours,
Quand je me connu grosse aussitôt que captive,
Son soin d’un fruit si cher a conservé les jours,
Et vous garde un trésor dont son malheur le prive.
Sa Femme en même jour accouchant d’un fils mort,
Pour sienne aux yeux de tous prit ma fille naissante,
Et sans qu’Antaléon en connoisse le sort ;
Comme fille d’Araxe il la souffre vivante.
Je meurs après trois ans de prison et d’ennui,
Et laisse entre ses mains ce billet pour indice.
Par lui l’État saura qu’il s’est fait son appui,
Que ma fille est la vôtre, et son nom Bérénice."
 PHÉNICE.
Et son nom Bérénice ? Ah ! Que m’apprenez-vous ?

ARAXE

Que le Ciel vous prépare un destin assez doux,
Et qu’ôtant tout obstacle à l’amour qui vous presse,
Il montre en Bérénice une illustre Princesse.
Mais quoi ? Dans un bonheur qui comble vos désirs
Il semble qu’en secret vous poussiez des soupirs ?
Est-ce que votre amour ne souffre qu’avec peine,
Que sans lui Bérénice ait le titre de Reine,
Et que sa pureté se doive soupçonner,
Lorsque d’elle il reçoit ce qu’il croyoit donner ?

PHILOXÈNE

Que sa fille est la vôtre, et son nom, Bérénice !
Dieux ! Mais jamais le Roi n’eut d’enfants de Phénice.

ARAXE

Il ne l’a jamais su du moins, et jusqu’ici
Ce secret à garder a fait tout mon souci.
Mais, Seigneur, si votre âme en veut être éclaircie,
Souffrez-moi le récit des troubles de Phrygie,